Le manuscrit de Voynich est un livre écrit à la main qui a été acheté en 1911 par Wilfrid Michael Voynich. Le parchemin du manuscrit a été daté au carbone 14 entre 1404 et 1438 ; ce qui signifie qu'il n'a pu être écrit avant, mais il a bien pu être écrit largement après.
Une lettre de 1666 affirme que le livre aurait été acheté par l'empereur Rodolphe II (1552-1612). Le livre a donc été écrit entre ces deux dates. La lettre en question affirme que le livre aurait été écrit par Roger Bacon (1214-1294), ce qui est contredit par la datation au carbone 14. La date d'achat supposée serait 1580.
La particularité de ce livre, est qu'il utilise un alphabet inconnu. Même si le livre est couvert d'illustrations et que le livre ait beaucoup de pages (240 pages plus 32 manquantes), le sens du texte demeure un mystère.
Pendant la première et la seconde guerre mondiale, ont été inventés de nouvelles méthodes de chiffrement, et bien entendu, dans chaque camp, des experts en cassage de code chiffrés ont aussi été réuni.
William Frederick Friedman, rien de moins que le chef du département de cryptographie de la NSA, s'attaqua avec les meilleurs spécialistes à ce texte.
Bien d'autres personnes se sont attaqués au texte. Si ce texte avait été une suite aléatoire de lettres, il aurait été laissé à l'abandon depuis longtemps. Sauf que l'étude statistique des lettres ressemble clairement à une langue humaine naturelle. Le texte vérifie la loi de Zipf. Mais d'autres indices montre que le texte est bizarre : des répétitions en triple de lettre, de groupe de lettres, et même de mots le rende suspect. Enfin, l'étude de l'entropie du texte (théorie de l'entropie de l'information inventée par Shanon) indique que le texte ressemble à une langue artificielle, celle de George Dalmago (1626-1687). Mais Dalmago aurait publié ses travaux sur cette langue en 1661.
Nous avons donc deux hypothèses sur ce texte :
- ce texte est une supercherie
- ce texte contient de l'information
Edward Kelley : un bon candidat pour l'arnaque
Si le texte est une supercherie, la motivation est toute trouvée, car le manuscrit a été acheté 600 ducats (pièces d'or) par Rodolphe II soit l'équivalent de 50 000€ actuels.
Nous avons un candidat crédible à l'arnaque : Edward Kelley. En effet ce "médium" prétendait pouvoir parler aux anges. Il vivait aux crochets de John Dee, qu'il arnaquait. Ensemble ils avaient inventé un alphabet et une langue, dit l'énochéen. (En passant, l'énochéen est encore utilisé par les arnaqueurs médiums modernes dans les séances de spiritisme, et a été repris dans un épisode de Supernatural, ce qui risque de le remettre au goût du jour).
Mais comment l'auteur a-t-il pu générer un texte avec de tels propriétés statistiques, avec les moyens de mathématiques rudimentaires de l'époque.
Le mathématicien Gordon Rugg a réussi à produire du texte ayant certaines des propriétés statistiques du manuscrit. En utilisant une méthode systématique le livre aurait pu être produit en moins de quatre mois. Gordon Rugg a utilisé un cache troué, qu'il déplace sur une grille de texte. L'idée lui vient d'une méthode de chiffrement de l'époque, mais aussi du fait que John Dee et Edward Kelley jouait beaucoup avec des grilles de lettres énochéennes, pour former les noms des anges. Si vous voulez voir le délire de ces deux compères, je vous recommande ce site en trois partie : partie 1, partie 2 et partie 3. C'est la "grande table de la Terre" et son sens de parcours bizarre qui a certainement guidé Gordon Rugg.
Et si le texte contenait de l'information
Le fils de John Dee a écrit dans une lettre qu'alors qu'il avait 8 ans, il se rappelle que son père travailler sur un texte avec une écriture qu'il n'arrivait pas à déchiffrer. La mémoire et les connaissances d'un enfant de huit ans peuvent tout de même jouer des tours ; ce témoignage est tout de même à prendre avec précaution.
Quand on écrit un livre, le but est de transmettre le savoir. Nul besoin de passer autant de temps à illustrer et écrire un texte pour de simples notes de travail. Il est donc extrêmement étrange d'écrire un texte que personne ne puisse relire. Le capitaine Curvier, cryptographe de l'US Navy, a relevé que le texte avait été écrit par au moins deux mains différentes, mais il irait même jusqu'à dire qu'il y en aurait probablement huit. Si plusieurs personnes pouvaient comprendre le texte, l'existence du livre a alors un sens.
Mais, selon lui, des caractéristiques "grammaticales" (terminaisons) sont différentes selon la main, parmi les deux mains dont il est sûr. Les autres parties de texte des autres mains sont trop courtes pour conclure quoique ce soit.
Ces différences dans la "langue" peuvent n'être que des différences stylistiques.
Le contenu n'a aucun intérêt
Que le texte ait un sens ou pas, n'a que peu d'importance, car les connaissances qu'il renferme sont fausses ou déjà connues. L'intérêt est donc purement intellectuel.
Pourquoi le texte est-il chiffré ? Puisque le texte touche des domaines ésotériques, on pourrait se dire qu'il y a un intérêt à cacher ses activités. Mais John Dee et Edward Kelley touchaient ouvertement à ce genre de domaine.
Peut-être comme Léonard de Vinci, qui voulait éviter de se faire voler ses idées. Mais Léonard a eu l'intelligence d'utiliser un système de chiffrement évident (écrire à l'envers, pour être lisible dans un miroir). Ainsi ses connaissances pouvaient tout de même être comprises, une fois le système connu.
Mais on peut se retourner du côté de l'arnaque : faire croire que le texte est dangereux. Vu qu'il manque 42 pages, le vendeur a pu faire croire n'importe quoi : "les pages les plus dangereuses ont été brûlée" ou "ce sont les pages que j'ai réussi à déchiffrer, mais je vous vend le reste car je n'arrive pas à les lire." Pour que l'empereur l'achète 600 ducats, le vendeur a dû bien promettre bien des choses, sur le contenu de ce livre.
Mais les pages manquantes peuvent aussi être des pages qui avaient commencé à être écrites. L'auteur de l'arnaque avait besoin d'un livre ancien pour être crédible. S'il n'avait pas de livre vierge, un livre presque vierge pouvait faire l'affaire. Mais le livre a été réarrangé ce qui fait tomber à l'eau cette théorie, car l'auteur de l'arnaque n'avait pas besoin de dissimuler le fait qu'il manque des pages : il n'avait qu'à démonter et remonter le livre pour retirer les pages écrites... (d'ailleurs cette théorie tombe à l'eau si on ne montait un livre que s'il était fini d'écrire...)
La non conclusion
Comme le disent les zététiciens modernes : "l'absence de preuve, est un fait".
Le fait qu'aucun spécialiste du cassage de code, n'est trouvé la signification, tend à prouver qu'il n'y a pas de chiffrement.
Si le texte a un sens, les spécialistes penchent pour une langue artificielle écrite en phonétique.
Si le texte n'a pas de sens, les spécialistes aimerait bien comprendre par quelle méthode l'auteur a généré le texte, pour qu'il ressemble autant à un texte ayant un sens, par certaines de ses propriétés.
Donc ceci n'est pas la fin du mystère.
Références
* La thèse de doctorat d'Antoine Casanova en français
* le manuscrit de Voynich en PDF
* le manuscrit de Voynich retranscrit avec des lettres européennes en substitution des caractères, avec les différences selon chaque transcripteur