lundi 14 novembre 2011

Les poncifs du développement personnel

L'un des buts du développement personnel, est de vous motiver pour atteindre un but. La dérive de développement personnel exploité par certains coach, et de rendre votre motivation dépendante d'eux.

Je suis récemment tombé sur cette vidéo :


Réussir en amour - Interview de Paul Dewandre et Daniel Alleman.

Cette vidéo est tellement rempli de poncifs et lieux communs que je n'ai pas pu résister à en débusquer les loups.

"Si les bébés n'ont pas d'affection, ils meurent"

Sans oublier le "scientifiquement prouvé" qui vient avec ! Il y a plusieurs couches dans cette affirmation.

En se servant d'une expérimentation (plutôt glauque), notre femme-coach nous assène une énorme erreur de raisonnement : la généralisation d'un cas particulier. Peu importent les conditions de l'expérience, elle saute pour dire "tous les bébés ont besoins d'amour", puis "l'Homme a besoin d'amour". Quels fabuleux raccourcis !

Mais revenons aux expériences. Selon la légende, des bébés qu'on aurait seulement nourris et changés, seraient morts. La seule expérience raisonnable dont j'ai trouvé la trace a été faite sur des singes par Harry Halow. Mais que prouvent ses expériences ? Que ce n'était pas l'amour qui était important, mais ce que l'enfant apprend. L'attention qu'on porte à l'enfant, permet à l'enfant d'apprendre le langage en écoutant sa mère et son entourage, à se comporter en société. Le singe (et l'homme) étant un animal social, sa survie dépend de son intégration à un groupe.

Nous touchons du doigt la controverse de l'innée et de l'acquis : ce qu'on apprend est-il plus important que notre héritage génétique ? La réponse la plus raisonnable est de dire que les deux sont tellement indissociables qu'il est impossible de répondre. Or chacun a sa conviction personnelle sur le sujet, qui est fortement lié à sa conviction politique (droite = innée, gauche = acquis).

Quand nos coach interprètent  le résultat de cette expériences, ils comprennent mal "Mother Care" en anglais, qui peut être traduit par "amour maternelle", mais qui est utilisé dans son sens littéral "Soins prodigués par la mère". Même les anglophones font l'erreur, ce qui montre que ce n'est pas un problème de traduction, mais bien d'interprétation.

Malgré ce que nous répètent à longueur de temps les chansons du Top 50, l'amour n'est en aucun cas essentiel à l'homme. Par contre, il est capable de déclencher des actions qui surpassent la priorité de toutes les autres, ce qui est autre chose qu'un besoin.

Manque d'amour ou dépression

Un état dépressif est souvent induit par plusieurs échecs. Une succession d'échecs n'a pas grand chose à voir avec l'amour, sauf si vous avez l'impression que vous avez absolument "besoin" d'amour. Mais une dépression peut aussi venir d'une accumulation venant de plusieurs domaines : boulot, loisirs, accidents, etc...

Souvent la dépression est accompagné d'une baisse de forme, et d'un manque de sommeil : le fait d'être accompagné, ne signifie pas que l'un est la cause de l'autre. La cause peut être la même : un problème au boulot, vous incitera à rester plus tard. Stress, fatigue, et échecs successifs dans le boulot, donnera sûrement une dépression.

Voir son compagnon comme un soutien moral, est effectivement très utile en cas de dépression. Malheureusement, toutes les relations de couples ne sont pas ce genre de relation. Notre coach fait de son cas personnel un cas général.

Les esquimaux ont 43 mots pour décrire la neige

Déjà, le français a plusieurs mots pour décrire les relations d'attachement :
- ami, petit-ami, frère, sœur, collègue, ...
- aimer, adorer, apprécier, respecter, détester, indifférer, honorer, ...

Mais surtout les esquimaux n'ont pas 43 mots pour dire "neige". D'abord de quels esquimaux parle-t-on ? Ceux d'Alaska, de Suède, de Finlande, de Norvège ou de Sibérie ? Et même en Alaska, ils n'ont que deux mots pour dire neige : la neige en l'air qui tombe, et celle au sol. Et encore, même en Français, nous avons plein de mots pour désigner la neige sous toutes ses formes : neige, flocon, aiguilles, congère, givre, verglas, glace, soupe, gobelet, poudrerie, blizzard, avalanche. Si je cherche bien, je vais en trouver plus de 43.

Mais les langues esquimaux sont comme l'allemand : elles peuvent former des nouveaux mots en les collant entre eux. Ainsi le nombre de variantes possibles dépasse les mille, bien au delà des 43 mots annoncés.

En plus, des mots assemblés peuvent désigner indirectement de la neige. Par exemple, le mot formé à partir de  "matériel pour habitation", désigne la neige qui va servir à fabriquer un igloo. Doit-on alors le compter ?

Caresser peut nous guérir de certaines maladies

Les bien-faits du massage sont indéniables : cela fait circuler le sang, permettant de chasser l'acide lactique responsable des crampes.

Mais là dessus ils sautent sur des conclusions sur la monogamie "naturelle" de l'homme. Comme le souligne David P. Barash, docteur en psychologie et zoologie, l'homme serait le seul animal sur Terre à être monogame (ou tout au moins à ne jamais tromper sa femme). A travers l'histoire, de nombreuses cultures sans liaison entre elles, ont développé, des caractères monogames et polygames. Le fait que la culture qui ait "gagné" soit monogame, ne prouve en rien que la monogamie soit le "naturel" de l'homme (le principe de "naturel" opposé à "artificiel", c'est à dire "fait par l'homme" est toujours très amusant quand on parle de l'homme). Et encore, l'existence du divorce et des histoires de maîtresses dans le placard à la Vaudeville prouve que nous ne sommes pas monogames tout au moins à vie.

L'amour est-il le propre de l'homme

Ce qui se dégage de cette discussion entre personnes condescendantes, c'est une volonté de sublimer l'être humain. Un discours qui saute d'une portée humaniste à la limite de la religion à l'opposé, purement biologique et hormonale sans aller jusqu'au bout du raisonnement qui dirait que nous ne sommes guidés que par des réactions chimiques : pour un humaniste, l'Homme doit garder sa liberté de pensée, ne rigolons pas avec ça !

En fait l'amour n'est pas le propre de l'homme. La plupart des oiseaux fabriquent à deux leur nid, puis nourrissent à deux les oisillons.

Difficile de défaire le lien entre cause et effet en zoologie depuis Darwin. J'ai toujours tendance à dire "la raison de l'existence de l'amour et de permettre d'élever, nourrir et protéger les enfants", alors que Darwin dit que c'est l'inverse : "ceux sont ceux qui ont développer le lien d'amour, qui ont permis à leur progéniture d'exister et de se développer."


Conclusion

La philosophie de comptoir à la télé a encore de beaux jours devant elle.

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