mardi 12 juin 2012

La SACEM et les fermiers généraux

Sous l'ancien régime, les fermes étaient des ensembles de personnes, appelés fermiers, qui avançaient de l'argent au roi, et se remboursaient en collectant divers impôts.

Du XVème au XVIIIème siécle le nombre de fermes et de fermiers a changé trois ou quatre fois. Ce système privé de collecte des taxes et des impôts, était fort décrié à cause de l'enrichissement personnel et démesuré des fermiers.

En 1780, Jacques Necker réforme les impôts indirects pour les répartir entre trois compagnies fermières :

  • la ferme générale pour droits de douane (dont la gabelle)
  • la ligue générale pour les droits sur les boissons
  • l'administration générale des domaines et des droits domaniaux pour les droits d'enregistrement

Le nombre de fermiers généraux est alors de 40. La ferme générale fait figure de symbole de la société inégalitaire. Les fermiers généraux, avec leurs fortunes colossales, apparaissent comme la marque même de la perversion du système politique et social. On leur impute les injustices et les tracasseries qui découlent de la complexité du système fiscal, la brutalité des gardes des brigades et la répression brutale de la fraude et de la contrebande.

La gabelle, impôt sur le sel, est de tous les droits le plus impopulaire. Il faut dire qu'à l'époque, la salaison était la seule méthode connue de conservation des aliments et servait à l'alimentation du bétail. Le sel a même remplacé la monnaie pendant certaines périodes : c'est du mot sel que vient le mot salaire. « Salarium » en latin signifie « ration de sel ».

Au fil des siècles, la vente de sel est devenue un monopole royal. Seuls les fermes générales peuvent le vendre, avec une taxe conséquente.

Un contrebandier encourait la condamnation aux galères s'il travaillait sans armes, la peine de mort s'il avait des armes. Sous Louis XVI, en Bretagne, la livre de sel coûtait au plus un liard et demi (3/8 sous) quand dans le Maine « pays de gabelle », elle se payait 12 à 13 sous : la contrebande étaient plus qu'encourageait par un tel niveau de taxation.

En 1784, sur demande de la Ferme générale, le ministre Calonne décide de faire entourer la ville de Paris d'une muraille destinée non pas à la défense, mais à la perception de l'octroi, impôt prélevé sur les marchandises entrant dans la ville.

Beaumarchais, voyait dans ce mûr une des causes de la Révolution. Il écrivit :

« Le mur murant Paris, rend Paris murmurant ».

Il écrivit aussi :

« Pour augmenter son numéraire
Et raccourcir notre horizon,
La Ferme a jugé nécessaire
De mettre Paris en prison. »

Bachaumont dénonça un « monument d'esclavage et de despotisme ».

Mais l'histoire finit bien, puisque 28 anciens fermiers généraux furent raccourcis d'une tête le 8 mai 1794. Le mûr des fermiers généraux fut totalement détruit par le très honorable préfet Haussmann en 1860.

Le mûr des fermiers généraux est tracé en violet.

Résumons

Les fermiers généraux étaient donc une délégation au privé de la part de l'état d'un droit "régalien" : le prélèvement d'un impôt. Usant de leur position dominante, les fermiers généraux ont usé et abusé de leur influence pour s'octroyer des prélèvements toujours plus élevés. Ils ont même réussi à convaincre les ministres et le roi à créer un mûr infranchissable autour de Paris.

En lisant le titre, vous voyez où je veux en venir.

La SACEM est un organisme qui collecte une sorte d'impôt ; elle a même le droit de demander au service des impôts le chiffre d'affaire déclaré par les bars et les boîtes de nuits : une grosse exception du droit français. En situation de monopole de fait, la collecte de cet impôt est garanti par les tribunaux et la police française.

D'ailleurs, la cour des comptes s'étonne de l'enrichissement personnel (donc du salaire) des dirigeants de la SACEM, dont l'activité en situation de monopole ne présente pas de risques pouvant justifier une rémunération élevée.

Les employés de la ferme générale n'étaient pas des fonctionnaires du roi, mais avaient des privilèges spéciaux. De même, les employés de la SACEM chargés des contrôles ne sont pas des fonctionnaires, mais sont assermentés.

Mais la SACEM (et ses filiales) ne s'arrête pas à la collecte directe, elle prélève aussi la taxe sur la copie privée sur le CD et DVD vierges. Cette taxe est tellement déconnectée de la réalité, qu'elle représentent 73% du prix d'un DVD. L'import de DVD par voie postale est massif. La ressemblance avec la gabelle et l'octroi, est frappante.

Et le mûr des fermiers généraux est tout trouvé : HADOPI. Ce monument moche et mal construit qui ne sert qu'à enfermer et surveiller les français afin de continuer à prélever l'impôt des fermiers généraux.

Que les pro-HADOPI fassent attention ! Ce n'est pas moi qui les menace, mais l'histoire. A trop vouloir prélever d'impôts pour leur enrichissement personnel, ils risquent d'y perdre la tête. C'est en élevant un mûr de trop que les fermiers généraux ont initié la Révolution Française.

« Pour augmenter son numéraire
Et raccourcir notre horizon,
La SACEM a jugé nécessaire
De mettre La France en prison. »

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