mercredi 7 septembre 2011

Hatsune Miku

Hatsune Miku est l'un des phénomènes en lien avec la créativité et Internet des années 2007 à aujourd'hui. Pourtant, si vous en avez entendu parler dans les média traditionnels, c'est sûrement en ces termes : "regardez, ces japonais débiles qui s'extasient devant un hologramme" : exemple par l'autoproclamée "spécialiste Pop-Culture" de Canal +. (Exemple en apparence neutre mais avec autant d'omission : France Soir).

Les mensonges des journalistes

Pour une "spécialiste pop et nouvelle tendance", la journaliste de Canal + mérite un zéro pointé.

Notons d'abord qu'il ne s'agit pas d'un hologramme, mais d'une représentation "3D" en 2D du personnage, ce qui signifie simplement que le dessin en deux dimensions respecte des règles réalistes de perspective visuelle.

Un jour, j'écrirai un article développant la fausse neutralité des média français, et comment on peut déformer la réalité par l'omission. Nous voici devant l'un des nombreux exemples.

Première omission : l'histoire du personnage, pourtant facile à trouver, grâce à Internet. Mais lire Internet, c'est sans doute pour les débiles.

Deuxième omission : le contexte du concert. Les concerts de Hatsune Miku ont eu lieu dans le cadre de festivals d'animation, assurant aux organisateurs une concentration de fans suffisant pour remplir la salle de concert. En plus, comme dans tout festival (de musique, scientifique, etc..), les organisateurs proposent des billets donnant accès à toutes les activités. Donc les personnes étant dans la salle, n'étaient pas là spécifiquement pour voir la chanteuse virtuelle, mais dans un esprit de divertissement autour de thèmes communs tout au long d'un week-end.

Troisième omission ou ignorance manifeste : les premiers à avoir inventé la vedette virtuelle, ce sont nous, les européens. Eh oui, si les japonais sont débiles, nous le sommes encore plus ! Le premier groupe virtuel, composer de chanteurs et de musiciens interchangeables (sauf la voix du chanteur principal) est Gorillaz. Et ils font des concerts virtuels.

* Vidéo du concert de Gorillaz sur Youtube (que Youtube ne veut pas qu'on incorpore dans des blogs)

* Gorillaz et Madonna :


Pour une spécialiste de la "Pop", elle ne connaît même pas ses classiques.

La naissance Hatsune Miku

Hatsume Miku est la toute première version du logiciel japonais de musique nommé vocaloid 2. Ce logiciel est commercialisé avec un dessin à la japonaise pour illustrer la boîte. Cette illustration est alors la seule existante :


Le logiciel qui est à destination des compositeurs et auteurs de paroles, a pour but de donner une voix aux compositions musicales.

Le logiciel Vocaloid 2 a été dérivé en 22 versions, apportant chacune des voix différentes (et des couvertures de pochette apportant des personnages supplémentaires), mais c'est le premier de la série (Hatsume Miku) qui restera vraiment emblématique.

Le logiciel contient toutes les syllabes japonaises (48 en tout) que l'on peut relier à un clavier de synthétiseur pour les rejouer sur la durée et la note voulues. Vous tapez vos paroles, puis vous les jouez au clavier (de type piano) : on ne peut pas faire plus simple.

Le décollage par Internet

Hatsume Miku va alors profiter d'un mème Internet qui n'a au départ rien à voir : la fille au poireau. La chanson est "Ievan Polkka" par Loituma un groupe finlandais. Le complet de la chanson utilisé est du scat, et n'a donc aucun sens. Le légume utilisé n'est pas un poireau, mais peu importe.


En passant, la chanson d'origine est très jolie, aussi bien dans sa version d'origine de Loituma que dans sa reprise par Nova Vox.

Un mème ou phénomène Internet se traduit par le fait que ce contenu est fortement partagé sans que cela vienne d'une décision centralisée (comme un directeur de programme de télé ou un rédacteur en chef).

Un mème Internet fournit ainsi un point de référence culturel commun à plein de personnes, permettant l'apparition de travaux dérivés, servant à relancer et à agrandir le mème d'origine. (exemple pour Loituma Girl)

L'un de des travaux dérivés de la fille au poireau est la reprise de la chanson par Hatsume Miku, avec une animation de trois images ou elle tient un poireau :


Ainsi, le poireau devient le "sceptre" officiel de Hatsume Miku, qui réapparaîtra régulièrement, bien qu'il ne fasse pas parti de son concept original.

En passant : oui, ce mème a aussi été repris par une société de sonnerie de téléphone, qui lança la chanson Dolly Song avec Holly Dolly (qui n'échappa pas à la critique de la récup).

Ce qui était à la base une simple blague par dessus une blague devient le décollage du concept : Hatsume Miku se retrouve avec des milliers d'auteurs-compositeurs amateurs. Dans le lot, il y a forcement de très très bons morceaux qui émergent. Même si le style "Pop japonaise" est le plus apprécié au Japon, le logiciel offre une utilisation sans limite dans tous les styles de musique existant.

L'extrait utilisé dans le grand journal de Canal +, était un morceau de techno très simple. Cette musique n'a pas été choisie par hasard : c'était la moquerie de ce qui n'était pas de l'élitisme français (voir parisien intra periphero) qui a été mis en avant.

En lien, voici une liste non exhaustive des chansons originales et des reprises de Hatsume Miku.

Ainsi la vedette devient réellement un phénomène de création participative, ou un compositeur peut demander de l'aide pour les paroles ou la réalisation d'un clip vidéo. Elle sera même utilisé dans des chansons d'album d'artistes des majors du disque.

Voici une reprise magnifique "a capela" (si l'on peut dire), de la chanson du générique de fin de Laputa :


La voix de Hatsume Miku sera de nouveau utilisé dans un autre mème encore plus célèbre : Nyan Cat


Le logiciel de danse

En plein boum de la vidéo par Internet, il ne manque plus qu'à donner un peu de visuel aux morceaux de musiques qui fleurissent.

Un logiciel gratuit créé par un fan apparaît : "Vocaloid Promotion Video Project" aussi nommé "Miku Miku Dance". Il devient le plus utilisé et des concours sont organisé autour de ce logiciel.

Le remake de "Virtual Insanity" :


La comparaison avec l'origianle de Jamirocaï :


Le remake de la vidéo d'introduction du festival Daicon IV (1983) avec la chanson "Twilight" de Eletric Light Orchestra :


Le remake de "Smooth Criminal" de Micheal Jackson version concert avec d'autres personnages que Miku :


Je vous invite à rechercher "MikuMikuDance cup" sur Youtube.

Les japonais : champions du marketing

Plusieurs jeux vidéo ont vu le jour sur PSP et PS3. Nintendo a annoncé un jeu sur 3DS.

Sony Music a signé avec certains des auteurs et des compositeurs amateurs pour sortir des albums "officiels" de Miku.

La récupération pour les concerts "virtuels" n'est qu'une suite logique du phénomène.

L'avantage du personnage est qu'il aura toujours 16 ans (l'âge idéal des chanteuses "idoles" japonaises, mais aussi l'âge du public réellement visé par le marketing musical au Japon, bande de pervers !)

Et le logiciel Vocaloid 3 est sur les rails : encore plus réaliste.

Ceci n'est pas la fin !

Liens
* Hatsune Miku sur Wikipedia
* Hatsune Miku sur Rue89
* Hatsune Miku par Ermite Moderne partie 1 et partie 2

Parmi les vidéos les plus vues :


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