La France est vraiment un pays qui a un rapport étrange avec son industrie du divertissement.
Comme je l'ai déjà écrit, les français ont tendance à confondre culture et divertissement.
Le prix unique du livre fait partie de ces arnaques politiciennes. Qu'il est bon pour un homme politique de passer pour le défenseur du bon goût français qui illumine le Monde (NdA : c'est ironique). Notez aussi que le livre bénéficie d'une TVA réduite, alors qu'il s'agit d'un produit non essentiel.
Le principe du prix unique
Le prix unique consiste à limiter à 5% la remise possible sur le prix dit "éditeur" (celui qui est imprimé en couverture) pour un livre neuf en stock depuis moins de six mois. En contre-partie, l'éditeur s'engage à racheter les invendus.
Le prix unique du livre est une mesure censée empêcher la disparition des petits libraires. Mais aussi permettre à tous les français de payer le même prix. Dit comme ça, ça paraît beau. Mais en renversant la phrase, ça signifie que les libraires les mieux placés seront obligés de vous vendre largement plus chers que leur seuil de rentabilité.
Cette absence de concurrence est avant tout préjudiciable pour les consommateurs, qui paient de toute façon le prix fort, même pour les vieux titres, car ils ne sont jamais dans le stock du libraire, puisqu'en pratique il n'a pas besoin d'avoir de stock.
Un fonctionnement logique, voudrait que le libraire fasse gaffe au livre qu'il commande en fonction de son public, et qu'il solde les invendus. Avec le système du prix unique, le libraire n'est pas concerné par les invendus. Les éditeurs sont encouragés à passer au pilon les invendus pour préserver la valeur perçue des livres.
Le prix unique du livre, c'est du gaspillage
L'horrible exception Française
Le prix unique du livre est réellement une exception française. Aux USA, quand deux magasins proposent des prix similaires, ils sont soupçonnés d'entente illégale sur les prix. Les magasins ont donc l'obligation de ne pas avoir de prix identiques. L'Union Européenne soupçonne les éditeurs français de s'être entendu sur le prix des livres numériques. Aux USA, une enquête sur Apple a été lancé : ils sont soupçonné de trop standardiser les prix (entre abus de position dominante et entente sur les prix).
Ce qui est imposer par l'état d'un côté, est strictement interdit de l'autre. Le prix unique (surnommé "inique") du livre est vraiment une exception française.
Pourquoi devrait-on sauver les libraires ?
C'est toujours triste quand un lieu qu'on aime disparaît, mais quand un libraire disparaît, c'est bien parce que son nombre de clients baisse, parce qu'il n'est plus assez utile à la société.
Nous avons droit à des campagnes "sauvons nos libraires" (en voici un autre exemple): je suis totalement contre.
Déjà, la "crise du livre" n'est absolument pas passagère. J'ai mis des guillemets car il ne s'agit plus d'une "crise", mais bel est bien de la fin du cycle de vie du livre papier après son apogée à l'âge industriel. Il est contre-productif pour l'état de vouloir préserver des secteurs d'activité en déclin.
Bien-sûr il y aura toujours des livres papiers, tout comme on vend toujours des disques de musique en vinyles, mais ça restera marginal.
La connivence entre le monde politique et l'édition
Les hommes politiques ont toujours eu besoin d'avoir quelques appuis incontournables. Or une vieille tradition française veut qu'un homme politique à un moment ou à un autre, écrive un livre. Je me demande souvent quand ils peuvent avoir le temps d'écrire, vu qu'il n'arrive pas à faire des choses autrement plus importantes, comme assister aux séances de l'assemblée nationale. Et d'où leur vient leur talent soudain pour l'écriture ?
Ils ont donc besoin d'un nègre, que n'importe quel éditeur s'empressera de leur fournir gratuitement, contre retour d’ascenseur, le moment du vote des lois venu.
Le snobisme intellectuel a encore frappé
Bien-sûr, les libraires sont auréolés du mot culture, ce qui nous empêche de raisonner sainement. Il est totalement absurde de subventionner par l'argent de l'état des pratiques qui vont contre l'intérêt commun, et qui n'ont aucun avenir.
Pourtant c'est ce que fait l'état quand il ne taxe qu'à 5,5% les livres, quand il impose un prix unique, empêchant la concurrence de jouer son rôle, empêchant la vente en solde des livres invendus : que de gaspillage !
Sachant que les livres les plus vendus, ce sont des histoires d'amour du style collection Arlequin. Dans la pratique, nous sommes très très loin de la soit-disante culture que veut défendre le prix unique.
Nous mélangeons culture et divertissement. Le livre est avant tout un objet de divertissement. La TVA à 5,5% n'est absolument pas justifiée pour un produit de divertissement.
Si les livres ne se vendent pas assez pour faire vivre telle ou telle partie de la chaîne de production d'un livre, ce n'est pas à l'état d'intervenir pour sauver les éditeurs, les libraires ou les imprimeurs. S'ils ne font pas assez de chiffre d'affaire, c'est qu'ils ne sont pas suffisamment utiles pour la société. C'est aller contre l'intérêt commun de vouloir maintenir en vie des sociétés non rentables, et à partir du moment où ces sociétés ne rendent pas un service public essentiel et irremplaçable : dans le cas des livres, il existe maintenant des sociétés de vente par correspondance qui remplace avantageusement les libraires locaux.
Le prix unique du livre numérique
Plutôt que de pérenniser notre idiotie nationale en inventant un prix unique du livre numérique. Il aurait mieux valu libéraliser totalement le prix de tous les livres.
Un livre numérique doit voir sa valeur baisser au fur et à mesure du temps, afin de favoriser sa vente. Une sorte de vente au enchère inversée. Car sur Internet, le nombre de copie produite n'a pas de limite : c'est un marché d'abondance. Il faut donc jouer sur l'envie qu'à l'acheteur de l'acquérir le plus tôt possible, par rapport à son budget effectif. Avec le prix dégressif dans le temps, chacun pourra se l'acheter selon ses moyens, les plus snobs pouvant se vanter de l'avoir acheter avant tout le monde.
C'est d'ailleurs ce système qu'utilise Steam Powered pour les jeux vidéos, avec même des bonus ou des réductions pour ceux qui achète en pré-commande.
En passant, la loi sur le prix unique du livre numérique se heurte à une impossibilité juridique : comment imposer à un vendeur situé à l'étranger de respecter la loi française ? Des logiciels comme TOR permettent de passer commande de n'importe où. Comment appliquer une loi inapplicable ? C'est tout simplement impossible.
Conclusion
Le livre se meurt : vive le livre.
Comme pour un pansement, mieux vaut l'arracher d'un coup que tout doucement. Je préconise la TVA à 20% et la fin du prix unique. Ainsi pas d'agonie longue et douloureuse : les libraires qui n'ont pas de modèle économique viable, fermeront plus rapidement leur porte.
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