En France, nous parlons de "culture" quand il s'agit d'aller au cinéma, au théâtre, à une exposition. Aux Amériques, ils parlent plutôt de divertissement.
Les français passent alors pour des pédants, donneurs de leçon, alors que nous considérons les américains comme des pourceaux épicuriens à la recherche du plaisir pur. L'un mange des hamburger gras au cheddar fade comme du plastique, alors que le français serait à la recherche du plat fin, riche en saveur.
Quelle différence entre culture et divertissement ?
Ne nous leurrons pas : culture et divertissement sont souvent utilisés pour désigner les mêmes choses. Pour peu qu'on mette du "folklorique" dans n'importe quel "divertissement", cela devient de la "culture" : danse, sport, théâtre même comique. Les sketch de Coluche sont avant tout du divertissement potache. Ajoutez quelques dizaine d'années, ils deviennent de la culture, du patrimoine français. De la chanson paillarde à la corrida la plus sanglante : tout devient noble, si c'est culturel.
Molière en son temps jouait un théâtre à l'humour très italien, c'est à dire très visuel ; cet humour était plutôt destiné au peuple, peu cultivé et qui n'appréciait guerre l'alexandrin, mais aimait à rire quand un laquet flanquait une rouste à son maître.
Culture et divertissement couvrent donc exactement les mêmes domaines, dont voici une liste non-hexaustive :
- littérature
- musique
- théâtre- vidéo
- cinéma
- série télé
- sport
- peinture, sculpture
- architecture
- jeux-vidéo
- etc...
La différence entre nos deux mots est donc très étonnante ; ce n'est pas l'objet désigné qui change, mais l'attitude de celui qui utilise ce mot par rapport à ce qui est désigné. Quand on se cultive, on n'est pas obligé d'en retirer un quelconque plaisir immédiat ; c'est l'élévation de l'esprit qui compte, et indirectement le plaisir de briller en société par sa culture "innée".
Mais parfois, on peut se demander s'il n'y a pas une bonne dose l'hypocrisie dans l'utilisation des mots "œuvre" et "culture" lorsqu'on est face à un carré noir sur fond blanc.
L'utilisation du mot "culture" impose le respect de l’œuvre. L'utilisation du mot "divertissement" impose le respect du public.
Prenons comme exemple les retouches que se permettent parfois les éditeurs ; dans la vision "culturelle", elles sont absolument scandaleuses, car l'intégrité de l’œuvre est alors ce qu'il y a de plus important. Le but de l’œuvre peut même être de choquer, de faire réfléchir. L’œuvre n'envoie qu'une image que le spectateur interprète. Si le spectateur est choqué, il doit se poser des questions sur lui-même, et non sur l’œuvre ou l'artiste.
Si nous les prenons d'un point de vue divertissement, tout ce qui peut gêner le spectateur dans son plaisir doit être écarté. Tout sujet politique doit être exclus. Tout ce qui peut générer une manifestation d'intégriste devant le théâtre ou le cinéma doit être évité. Les héros des films d'action américain ont rarement un avis sur quoique ce soit. De toute façon, il est souvent la tête dans le guidon, et n'a que très peu de temps pour réfléchir.
Note : un exemple parmi d'autres de choix pour éviter les intégristes, est dans "Fight Club". Les producteurs ont rejeté la réplique de Marla après avoir couché avec Tyler Durden : "Je voudrais un avortement de toi", croyant des réactions des intégristes anti-avortement. Elle a été remplacée par la non moins choquante phrase "Je n'ai pas aussi bien baisé depuis la maternelle".
Édition de E.T. l'extraterrestre en BluRay où les armes à feu ont été remplacé par des talkies-walkies. |
Alors qu'en France, il est hors de question de censurer le très colonialiste Tintin au Congo, aux USA les cartoons de Tex Avery ont été édité intégralement en Laser Disc, mais sont introuvables en DVD et Bluray dans leur version non censurée.
Relativement récemment, Penn & Teller n'ont pas publié dans leur box DVD (pas si) "intégral", un épisode de leur émission qui parlait du Vatican. D'ailleurs nos deux magiciens de Las Vegas, présentent leur émission comme étant plus du divertissement que réellement informative et scientifique ; un comble, vu l'importance sociologique et culturel des sujets abordés dans leur émission.
La libéralisation ratée de l'industrie du divertissement
Comment ne pas parler de "l'exception culturelle". Imaginez-bien comment les américains ont écarquillé d'incompréhension leurs yeux en regardant les français voulant absolument justifier les subventions de l'état français à l'industrie du divertissement que nous nommons "culture".
De leur côté, les américains voulaient libéraliser à fond le cinéma : le divertissement industrialisé dont ils sont les leaders difficilement contestables. (comme je l'expliquerai sûrement un jour dans ce blog : le libéralisme avantage grandement les leaders d'un marché. D'où la formation de sociétés dites "majors" dans la musique et le cinéma).
Sentant bien le rouleau compresseur du libéralisme débridé, le seul moyen de préserver une culture propre à chaque pays, était bien entendu d'autoriser les subventions, les quotas à la radio et à la télévision : un protectionnisme qui ne disait pas son nom.
Alors que les américains rentabilisent largement leurs productions sur leur sol, et ont le Monde entier comme acheteurs potentiels, chaque industrie du divertissement de chaque pays n'a que son sol national comme marché potentiel. Et ceci, même pour les pays de l'union européenne ; ce qui est dramatique. Malheureusement, le mélange des cultures européennes n'est toujours pas à l'ordre du jour, car chaque gouvernement veut préserver leur souveraineté nationale, pour des raisons de pouvoir bien personnels de chacun de nos gouvernants.
La conclusion
Nous voilà donc où je veux en venir : les soit-disant défenseurs de la culture sont avant tout des industriels du divertissement. Quand un producteur fabrique un morceau de musique, son but est de le vendre à un éditeur pour le distribuer et le rentabiliser par tous les moyens possibles.
Récemment HADOPI a lancé son label PUR et un certain nombre de publicités où "l'artiste" serait en danger. Le problème est que ces publicités ne montrent pas des artistes isolés, mais des artistes embarqués dans une grosse machinerie de production qui exige un gros producteur derrière. Nous sommes loin de l'artisanat, mais très proche de l'industriel.
Le lobby SACEM qui représente les éditeurs-producteurs majeurs de la musique a encore frappé. C'est en faisant croire qu'une loi va protéger les petits que les gros la font passer et qu'ils se gavent par la suite : et c'est vrai dans tous les domaines du lobbying.
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