jeudi 29 septembre 2011

A propos de l'Argent-Dette et autres théories anti-bancaires

Le documentaire "Argent dette" est un "buzz" ou "meme" Internet, qui a fait pas mal de dégât pour la compréhension de l'économie.

Par exemple Étienne Chouard colporte les mêmes aberrations.

Étienne Chouard est professeur d'économie. Comment fait-il pour raconter des ineptie pareil ? Après recherche, il a une maîtrise en droit, il était professeur en économie-gestion et droit fiscal (donc comptabilité, pas économie !), par la suite également professeur d'informatique, ce qui fait qu'il a pu passer à côté des bases...

En fait ce qu'ils appellent l'argent dette, est un phénomène connu, et maîtrisé. C'est l'effet multiplicateur du crédit.

A chaque fois qu'on dépose de l'argent à la banque, elle peut le prêter à quelqu'un d'autre. Or de nos jours, quasiment tout l'argent est déposé dans les banques. Les banques prêtent de l'argent qui est déposé sur un compte dans une autre banque, qui va à nouveau le prêter, et ainsi de suite.

Virtuellement, les banques pourrait prêter une quantité infini d'argent. Il est important de le maîtriser (par la loi), ce phénomène qui serait catastrophique s'il n'était pas contré : on se retrouverait avec une masse monétaire qui monterait tout le temps, et mécaniquement une inflation galopante.

Pour les empêcher de créer trop d'argent par l'effet multiplicateur le crédit (ce fameux "argent dette"), elles ont des réserves obligatoires.

Par exemple, si les réserves obligatoires sont à 2%, à chaque fois qu'une banque prête 100 euros à quelqu'un, elle doit déposer 2 euros à la BCE (ou la banque centrale du pays). Elle récupère une partie de ces 2 euros à chaque fois que l'emprunteur rembourse une partie de son crédit. Ainsi, à chaque fois qu'il y a un emprunt, de l'argent est retiré du circuit, ce qui empêche une création infini de monnaie. Seules les banques sont autorisées à prêter, parce qu'il faut qu'il y ait ce dépôt à la banque centrale.

Tout cet argent créé est appelé Masse Monétaire. On nomme M1, M2, M3 et M4 les masses monétaires en fonction de la durée du dépôt (et donc de l'emprunt qui va avec).
- M1 correspond aux billets, pièces et dépôts sur compte courant
- M2 correspond à M1 plus les dépôts à termes inférieurs ou égaux à deux ans et les dépôts assortis d'un préavis de remboursement inférieur ou égal à trois mois
- M3 correspond à M2 plus les instruments négociables sur le marché monétaire émis par les institutions financières monétaires
- M4 correspond à M3 plus les Bons du Trésor, les billets de trésorerie et les bons à moyen terme émis par les sociétés non financières

Sinon, nul besoin d'être une banque pour créer de la monnaie, même en France : ticket resto, chèque vacances, bon de réduction, même les chèques de particulier sont des créations de monnaie.

Tout ça pour dire, qu'il n'y a pas de "complot". Tout est exposé au grand jour, rien n'est caché. Tout a été théorisé, et sous le contrôle des banques centrales.

Les banques centrales sont des institutions indépendantes, qui ne doivent aucun compte aux électeurs. Quelqu'un qui veut se faire réélire n'a qu'à faire tourner la planche à billet avant l'élection, sans faire attention à l'inflation qu'il va générer plus tard. C'est pour cela que la création monétaire a été confié aux banques centrales, indépendantes des élections, avec pour unique mission de maintenir le taux d'inflation proche de 2%, mais toujours en dessous (du moins c'est la mission de la BCE, mais pas de la réserve fédérale américaine).

Actuellement, le taux de réserve obligatoire est à 2% en Europe, parce que les banque ont du mal à se prêter entre elles, mais en Chine il est à plus de 20%, pour empêcher l'inflation. Les emprunts sont nécessaires aux entreprises pour qu'elles puissent avoir un fond de roulement et investir. Interdire la création monétaire généré par l'emprunt est impossible (sauf à proposer un nouveau système économique et politique qui se tienne ; ce que ne font pas les deux vidéos citées en introduction).

L'or n'est pas une valeur sûre. Montesquieu a très bien vu ça en étudiant l'Espagne. Durant le Siècle d'or (à partir de 1492, Christophe Colomb), l'or ramené du nouveau continent aurait dû rendre l'état très riche, puisque les caisses étaient pleines. Que s'est-il passait en fait ? Les prix ont augmenté, et l'état ne semblait pas plus riches qu'ailleurs en Europe.

Adam Smith développe le raisonnement de Montesquieu plus loin avec "Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations".

Les vidéos "argent-dette" estiment aussi que l'état a perdu le privilège de la création de l'argent, et est donc obligé de créer d'emprunter. Ce qu'omettent de dire ces vidéos, c'est qu'avant l'argent n'était pas fiduciaire, mais lié à l'or. Il ne pouvait donc pas être créé. Les souverains (et donc l'état) empruntaient pour éviter d'augmenter les impôts. Nous sommes exactement dans cette situation d'ailleurs : c'est théoriquement très facile de réduire la dette de l'état. Il suffit de prélever plus d'impôts.

L'avantage de l'argent fiduciaire, c'est que l'inflation artificielle empêche la thésaurisation (le fait de garder son argent dans un bas de laine).

Là où Étienne Chouard n'a pas tord, à mon avis, c'est que pour se faire élire, il faut de l'argent et donc des riches pour financer les campagnes. Il est donc très difficile de se faire élire en ayant comme programme l'augmentation de l'impôt des plus riches.

En ce moment, les conditions sont réunis pour qu'au contraire ça passe : crise de 2008 qui revient, gouvernement de droite qui agit trop ouvertement pour les riches, les électeurs prennent conscience des mensonges de la droite.

En lisant l'article d'Adam Smith sur wikipédia, on y trouve des perles :

« Il est rare que des gens du même métier se trouvent réunis, fût-ce pour quelque partie de plaisir ou pour se distraire, sans que la conversation finisse par quelque conspiration contre le public, ou par quelque machination pour faire hausser les prix. »
Le Monde n'a pas bougé depuis 1776.

« Toute proposition d'une loi nouvelle ou d'un règlement de commerce, qui vient de la part de cette classe de gens, doit toujours être reçue avec la plus grande défiance, et ne jamais être adoptée qu'après un long et sérieux examen, auquel il faut apporter, je ne dis pas seulement la plus scrupuleuse, mais la plus soupçonneuse attention. Cette proposition vient d'une classe de gens dont l'intérêt ne saurait jamais être exactement le même que l'intérêt de la société, qui ont, en général, intérêt à tromper le public et même à le surcharger et qui, en conséquence, ont déjà fait l'un et l'autre en beaucoup d'occasions. »
Déjà Hadopi à l'époque ?

« les gens qui vivent dans la capitale et dans les provinces éloignées du théâtre des opérations militaires ne ressentent guère, pour la plupart, aucun inconvénient de la guerre, mais ils jouissent tout à leur aise de l'amusement de lire dans les gazettes les exploits de leurs flottes et de leurs armées. (...) Ils voient ordinairement avec déplaisir le retour de la paix, qui vient mettre fin à leurs amusements, et à mille espérances chimériques de conquête et de gloire nationale qu'ils fondaient sur la continuation de la guerre. »
Ça ne vous rappelle pas la guerre du golf, et l’Afghanistan ?

Il invente aussi les fonctions régaliennes (auxquels doit se limiter le souverain) :
- protéger la société contre toute violence intérieure ou extérieure,
- protéger tous les membres de la société contre l’injustice ou l’oppression causée par un autre membre,
- fournir des infrastructures et des institutions publiques, qui sont bénéfiques à la société, mais qu’un entrepreneur privé ne peut pas financer lui-même profitablement.

Notez que ces fonctions seront revisités plus tard par les néo-libéraux :
- Assurer la sécurité extérieure par la diplomatie et la défense du territoire ;
- Assurer la sécurité intérieure et le maintien de l'ordre public, avec, notamment, des forces de police ;
- Définir le droit et rendre la justice ;
- création de la monnaie (mais l'histoire a prouvé que c'était faux)

Mince, il n'y a plus les "institutions publiques, qui sont bénéfiques à la société" : c'est ballot ! Ça prouve surtout que la définition des pouvoirs régaliens est avant tout idéologique, et que les néo-libéraux avaient oublié que l'économie est centré sur l'homme et pas sur l'argent (pour ne pas dire que ce sont de gros enfoirés).

4 commentaires:

  1. 1 - Ce que tu n'a pas comprit c'est que l'argent crée par les banques est achetée par l'état quand celui ci peut se le créer sans les intérêts, or c'est justement les intérêts qui pèsent dans la dette des états, intérêts indus car argent crée à partir de rien sur la valeur de biens et service futurs des contribuables ...
    2 - Ce que tu n'a pas comprit c'est que les états sont réduits à emprunter à des taux très élevés car les lois qu'ils ont promulgués des lois ( voir article 123 du traite des Lisbonne) interdisant aux états d'emprunter directement aux banques centrales nationales et à des taux réduits, les états sont à la merci des spéculateur …

    Conclusion :
    Soit tu n’as même pas le bac pour comprendre ces notions simples, élémentaires, soit tu dois en profiter du système aussi pour être d'accord avec ...

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    1. Comprenez bien que cette règle a été mise en place parce que par le passé, les gouvernements abusaient de la planche à billet. Faire tourner la planche à billet plonge le pays dans une inflation galopante : achetez votre beurre le matin, car l'après-midi il vaudra le double.

      Le problème c'est que l'état ne devrait jamais avoir à emprunter sur le long terme. Le budget devrait être toujours équilibré entre l'impôt et les dépenses.

      D'ailleurs à chaque changement de gouvernement, la dette devrait être rayer. Ça serait une mesure dissuasive. Si un gouvernement veut être réélu, il devra rééquilibrer le budget avant la fin de son mandat, sinon les fonctionnaires en grève ferait basculer le gouvernement...

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  2. Certes cela a été fait pour limiter l'inflation, je suis d'accord. Sauf que maintenant, on a la situation inverse, c'est-à-dire de la dette.
    Et la dette, contrairement à ce que vous dites, ce n'est pas simple de la supprimer. Ce n'est pas qu'une question d'impôts car si tel était le cas, l'Espagne, la Grèce et bien d'autres ne seraient pas là où elles en sont aujourd'hui.
    Les intérêts de l'Etat français représentent actuellement plus de 80% de sa dette. Si la France avait emprunté à taux zéro, sa dette aujourd'hui serait infime.
    Donc Etienne Chouard a parfaitement raison quand il parle de redonner la création monétaire à l'Etat et non pas aux institutions privées.

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    1. En fait vous croyez que la dette est faite pour être remboursée. Si tel était le cas, les CDS ne serviraient jamais à rien ! Quand quelqu'un prête, il prend un risque. Plus le risque est élevé, plus le prêteur va demander un taux élevé (par exemple pour payer une assurance sur ce prêt, quand il ne s'assure pas lui-même)

      Regardez l'actualité : l'Allemagne demande à ce que les banques espagnoles restructurent leur dette avant qu'un fond de soutien ne les aides ; demandant même de le faire à l'aide d'une loi si un accord n'est pas trouvé avec les créanciers. "Restructurer" signifie que les créanciers doivent renoncer à une partie de leur argent (et se retourner vers les assurances s'ils en ont).

      Ceux qui ne vont pas être content, ce sont les irlandais, car ils n'ont pas restructurer la dette des banques irlandaises. Il risque d'y avoir des manifestations par là.

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